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Sékou Condé «il y a des gens qui disent qu’un musulman ne doit pas faire la sculpture»

Entretien avec Sekou Conde

L’artisan sculpteur Sékou Condé, s’est confié à notre rédaction ce vendredi 27 avril 2018, concernant les difficultés rencontrées par les sculpteurs guinéens.

Sékou Condé, diplômé sortant de l’université guinéenne et sculpteur depuis son bas âge, est venu dans la sculpture par le canal d’un de ses  grand frère qui faisait ce métier.

« Après les cours je venais  travailler avec mon frère. Ce dernier m’empêchait d’aller derrière mes camaradas pour jouer au ballon. A cette époque, je n’avais pas le courage et la volonté pour exercer ce travail. Mais au fil du temps, j’ai vu qu’il faillait le faire, parce que c’était nécessaire, étudier et apprendre un métier, cela peut nous servir un jour. C’est ainsi je m’étais finalement décidé de m’approcher de mon frère pour travailler avec lui…Aujourd’hui, j’ai fini mes études. C’est grâce à ce métier que je vis. On a participé à plusieurs  foires artisanales. On a été à Casas tan, en Chine, au Japon», a-t-il expliqué.

Ce métier n’est pas sans difficultés. Sur le plan religieux, les pratiquants de ce métier sont vu de mauvais œil par certaines personnes, comme le dit Sékou Condé

« il y a des gens qui disent qu’un musulman ne doit pas faire la sculpture, que c’est une pratique interdite par l’islam. Donc un sculpteur sera condamné par Dieu. Alors que c’est dans ce métier qu’on gagne notre quotidien».

En dehors de l’aspect religieux l’artiste explique qu’ils rencontrent d’autres difficultés

« On rencontre beaucoup de difficulté dans ce métier, parce que quand on parle de la sculpture,  on parlera forcement de la clientèle…les touristes ne viennent pas tellement en Guinée, parce que nos statuettes sont souvent achetées par les blancs. Donc, si les touristes ne sont pas fréquents ici, on aura du mal à écouler nos produits. Quand tu dis le prix à un guinéen, il te dira qu’est-ce qu’il va faire avec un simple bois qu’il peut aussi ramasser dans la brousse…Nos Principaux clients étaient les chinois, les français et les russes… Le ministère du tourisme et celui de la culture nous ont oubliés.  Des fois, on peut faire deux à trois semaines sans avoir de clients», déplore-t-il.

« On a  aussi des difficultés pour apporter les  bois de l’intérieur du pays, les gardes-forêts nous fatiguent. On travaille avec deux types de bois, à savoir le bois rouge de la Guinée et celui d’ébène qu’on trouve au Mali. On importe les bois d’ébène, les autorités maliennes ne disent rien. Mais pour avoir le bois rouge de chez nous, tout à fait des problèmes», a-t-il souligné.

Parlant de la déforestation, dira-t-il 

« On ne contribue pas à la déforestation, parce que c’est les bois morts qu’on utilise. Quand on rentre dans la forêt, on ne ramasse que les bois qui sont déracinés qui se trouvent à terre…C’est le ministère de l’environnement qui nous a donné l’ordre de les ramasser».

Poursuivant son allocution, il s’adresse aux autorités en ces termes

« Nous demandons au ministère du Tourisme, sans oublier celui des Sports, de la Culture et Patrimoine Historique de nous construire un village artisanal comme dans les autres pays de la sous-région. Quand un étranger vient en Guinée, dès qu’il descend à l’aéroport et demande où se trouvent les artisans, il doit être directement conduit à cet espace artisanal. Mais hélas, il n’y a pas. L’Etat nous a beaucoup oubliés. Je demande au gouvernement, surtout au ministère de la culture, de valoriser la culture guinéenne pour que les occidentaux à leur tour s’y intéressent. Mais en Guinée, quand on parle de la culture, on ne voit que les artistes chanteurs et danseurs et on oublie les autres disciplines culturelles. Les autorités doivent penser à nous aussi, comprendre qu’on est là…les sculpteurs guinéens résidant dans les autres pays de la sous-région, font la fierté de la Guinée…», a-t-conclu.

Abou Bakr Bangoura pour 224infos.org


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