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PROSTITUTION à Conakry, voici l'histoire de Nanfadima, l’apprenti-mécanicien et leur bébé

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Parce que trop souvent on aborde la prostitution sous le prisme de la morale, on passe à côté des fléaux qui prédisposent de nombreuses filles à cette pratique. De même, on est loin de cerner toutes les conséquences dont quelques-unes dramatiques auxquelles ces mêmes filles restent exposées le long du trottoir ou dans les maisons closes. Eh bien, à travers l’histoire qui fait la trame de cet article, nous vous invitons à découvrir la déchéance humaine que nous ne voyons pas toujours derrière la pratique du plus vieux métier du monde.

En ce 1er janvier 2019, Sangoyah est en fête. Il est 22 heures. Entre la première et la troisième portes d’entrée de cette cité administrative, située dans la commune de Matoto, en haute banlieue de Conakry, les silhouettes dont les talons piétinent les trottoirs sont à perte de vue. A l’arrière de la rangée de ‘’maquis’’, les ombres qui bordent le goudron se ressemblent ou presque.  Que de filles de joie qu’on appelle trivialement ‘’prostituées’’. Des filles dont chacune cache derrière son visage une histoire singulière et souvent traumatisante qu’elle s’efforce de contenir. Justement, parmi elles, Nanfadima Camara, affectueusement appelée la reine. Paradoxalement, elle vient d’avoir une surprise heureuse mais qui la déplait tout au début.  De fait, elle vient d’apercevoir dans les bras d’une autre prostituée le géniteur de son bébé de 6 mois- un jeune apprenti mécanicien de 25 ans environ. Un monsieur qu’elle a perdu de vue alors qu’elle en était au tout premier trimestre de sa grossesse. Et le hasard a voulu que la femme dans les bras de laquelle elle le retrouve soit celle-là même qui l’avait hébergée à un moment crucial de sa grossesse.

Tout au début, entre Nanfadima et le père de sa famille, ça se dispute chaudement. Mais au bout d’un certain temps, ils se réconcilient et viennent tous deux prendre place devant ‘’le grand plaisir’’, un cabaret séparé du goudron par un caniveau. Et après avoir vidé chacun trois bouteilles de Guiluxe, (bière alcoolisée à 5, 2%), diluées dans une demi-bouteille de ‘’GIN capitain’’ (liqueur de 37 degré), Nanfadima commence à verser des larmes. Personne ne réussit à la calmer, ni Foromo, le gérant, ni les clients !  De fait, elle n’en peut plus. L’histoire qui bout en elle doit être racontée. Aussi, elle n’oppose aucune résistance…

Le meilleur du pire

Partie il y a deux ans de Laya, bourgade située quelque part à Faranah, pour servir de domestique à Conakry, en vue subvenir au besoin de sa famille, Nanfadima a plusieurs fois été victime de maltraitances de la part de ses employeuses respectives. Injures, bastonnades, humiliations, faim,…bref, elle a subi tout ou presque. « Le mari de ma dernière patronne a voulu abuser de moi. Puisque j’ai rejeté ses avances, il a poussé sa femme à me mettre dehors », explique-t-elle.

Après plusieurs nuits à la belle étoile, elle croise Binette, une fille de joie qui lui propose son aide. « La même nuit, elle m’a prêté des habits et m’a amenée avec elle à la deuxième porte de Sangoyah. Elle m’a convaincue que je pouvais me faire beaucoup d’argent avec les hommes si j’accepte de les satisfaire pour quelques minutes. N’ayant pas le choix, j’ai suivi son conseil. Et pour cette première nuit, je suis rentrée avec 100.000 GNF. Binette n’a pas eu de client ce jour-là», raconte-t-elle. Les nuits qui suivent, elle a le même succès auprès des clients. Pendant ce temps, Binette, elle, continuait à rentrer bredouille.  « Pendant ce temps, moi je me faisais des sous à chaque sortie. J’avais même commencé à envoyer de l’argent à mes parents au village. Et durant plusieurs mois, j’ai payé le loyer pour Binette, parce que nous vivions toutes les deux sous le même toit », se remémore Nanfadima.

Un jour, dit-elle, Binette, jalouse, en a marre.  Et Nanfadima se retrouve dehors. Depuis ce jour, n’ayant plus de domicile, elle s’efforce de sélectionner les clients en mesure de l’envoyer à l’hôtel. « A défaut, à des heures tardives, je demandais aux gérants de me laisser passer la nuit sur une des tables de leurs maquis », dit-elle. Sauf que de la part de ces gérants, les faveurs ne sont pas sans frais. Ainsi, reconnait-elle, plus d’une fois, elle a dû s’offrir aux gérants. « Avec tout le monde, j’ai toujours exigé le préservatif », précise-t-elle.

Le désir… fatal

Un soir cependant, Nanfadima attend en vain les clients !  Assise à ‘’Moyen cheria’’ un cabaret situé à la deuxième porte de la cité Sangoyah, et au moment où son désespoir était comble, elle remarque quelqu’un attablé, dans un coin isolé de la salle : Katanbadouno Sâa Michel, un garçon de près de 2 mètres, teint noir et trapu.  « Il buvait un mélange de Tonic avec de la liqueur », souligne-t-elle. Sans qu’elle ne cache comment, ni pourquoi, elle en tombe tout de suite amoureux. Et éperdument, admet-elle volontiers ! Elle l’aborde et prend place à côté de lui.  Entre les deux, la conversation s’engage aussitôt. Elle porte sur leurs vies respectives. Et de fil en aiguille, la complicité naît au point qu’ils finissent par faire l’amour. « Il n’avait pas d’argent, donc nous l’avons fait dans la toilette puisqu’il n’y avait presque plus de client dans la buvette », dit-elle.  Ce que Nanfadima réalise tardivement, c’est qu’elle vient d’avoir un rapport sexuel non protégé. « Il était trop tard. Donc, toutes les fois que nous l’avons fait après le départ de mes clients, parfois dans des endroits obscurs, je ne lui ai plus imposé le préservatif. Je lui ai simplement conseillé d’être fidèle », raconte-t-elle. Avec Michel, en effet, elle prend du plaisir, avec les autres, elle se fait de l’argent. « Cette situation a duré des mois. J’avais même décidé de louer une chambre pour y vivre avec Michel », dit-elle.

Une nuit, après leurs ébats habituels, Nanfadima annonce à son « bébé » qu’elle est en retard par rapport à son calendrier menstruel et qu’elle croit être en grossesse. Bien sûr, elle s’empresse d’ajouter que le père ne pouvait être que Michel. « Je pensais qu’on allait discuter des dispositions conséquentes. Mais Michel est resté silencieux jusqu’à son départ. Toutes mes tentatives d’engager un dialogue avec lui ont échoué. Il est parti », regrette-t-elle. Des jours passent sans que Michel ne réponde au rendez-vous. En désespoir de cause, la fille suit les conseils de sa copine et tente d’avorter par une méthode traditionnelle. Il n’en fallait pas ! « J’ai été envoyée d’urgence dans une clinique par ma copine. J’ai failli mourir. J’ai dépensé les 800.000 GNF que j’avais épargnés. En plus, mon médecin traitant m’a donnée des conseils, m’enjoignant de garder le bébé si je tiens à ma vie », raconte Nanfadima. Que faut-il faire ? Sur qui compter pour conduire la grossesse à terme ? Le désespoir de Nanfadima croit…

La descente… aux enfers !

Durant les quelques semaines qui suivent sa convalescence, Nanfadima continue de recevoir ses clients. « Il fallait tout de même trouver de quoi vivre », dit-elle. Mais plus son ventre grossissait, moins elle était convoitée. « Finalement, aucun homme ne me regardait », souligne-t-elle. Au bout d’un moment, elle se retrouve sans sou, sans logement, sans nourriture, sans aucune attention de la part de qui que ce soit. « J’ai eu envie de rentrer au village, mais je n’avais même plus de frais de transport. Et même si je l’avais, je ne pouvais pas rentrer chez moi avec une grossesse », dit-elle.  Désemparée, elle prend la résolution de rechercher l’auteur de sa grossesse. Problème : personne n’a une idée de l’adresse de Michel. « Quand j’apprends qu’il était dans ce maquis hier, je viens m’installer là. Mais il n’y retourne plus », déclare Nanfadima. Elle ajoute : « il m’arrivait de passer des jours sans manger, de passer la nuit à la belle étoile. »

Alors qu’elle déambule dans la rue, elle croise une dame dont elle ignore tout.  Celle-ci l’avait-elle suivie ? Avait-elle une idée de la vie de Nanfadima ? « Je n’en sais rien », répond-elle. Toujours est-il que la requête de la dame envers elle s’est révélée déconcertante. « Après avoir écouté mon histoire, elle m’a proposé de s’occuper de moi. En revanche, elle m’a demandé de lui vendre mon enfant, sous prétexte qu’elle n’a pas eu d’enfant en dix ans de mariage », raconte-t-elle. Hébétée par cette proposition, Nanfadima prend ses jambes à son coup. Le soir venu, elle rejoint la deuxième porte de la cité Sangoyah et continue sa vie de misère. « Les 1000 et 2000 GNF que mes copines prostituées me donnaient, je me contentais de ça », précise-t-elle.

Des mois après une vie marquée de tristesse, de désolation et de combat pour survivre, Nanfadima a donnée naissance à une fille dans des conditions encore plus critiques. « J’étais couchée sur une des tables de la cafétéria que vous voyez en face, quand mon ventre a commencé à me faire mal. J’ai commencé à pleurnicherPour ne pas réveiller le propriétaire, je suis sortie en courant pour aller dans la famille de ma copine. Elle aussi n’avait pas passé la nuit chez elle », explique-t-elle. Alors qu’elle cherche à sortir de la cour, elle tombe. « La marâtre de ma copine m’a fait rentrer dans leur salon. Dans la minute suivante, j’ai accouché et je me suis évanouie aussitôt », affirme-t-elle.  A son réveil, elle réalise qu’elle est mère d’une adorable fille. « A l’instant, j’ai oublié toute ma souffrance », conclue-t-elle.

Retrouvailles inespérées

Alors qu’elle se promène avec son nouveau-né dans les couloirs des cabarets de la cité Sangoyah, comme toujours, Nanfadima tombe sur le papa de son enfant dans les bras d’une autre prostituée. Après un tapage, elle trouve un terrain d’entente avec Michel. A trois -sa fille, le père de cette dernière et elle- ils s’amusent autour d’une table. Michel reconnait ses erreurs et promet même de ne plus se séparer de sa fille et de la maman de cette dernière. Problème : il est encore apprenti-mécanicien et passe la nuit dans un véhicule en réparation dans son garage.

// Source ledjely.com

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