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Place à une communication publique plus sereine en Guinée

Fatou Thithi CAMARA

Maintenant que le temps de l’euphorie est passé, place au travail de Com’.

Nous avons trop longtemps souffert d’une image publique de faible niveau. Place à la bonne communication publique en Guinée !

Nous savons aujourd’hui que les nouvelles autorités ne souhaitent pas se présenter aux prochaines élections. Nous savons qu’il n’y aura pas de recyclage.  Nous savons qu’il y a un vent nouveau qui s’installe dans la cité. Depuis le coup d’État, notre horloge est paramétrée à « 20h30 » pour un rendez-vous avec la RTG.

Durant les premiers jours, nous avons observé une approche plutôt attentive avec des actions qui reflètent la volonté de changement. La foule a apprécié la prise en compte des avis des citoyens des communautés Facebook et Twitter par exemple. Ce qui est une bonne chose !

Les dés sont jetés !

Les consultations et rencontres prouvent que le temps est pris pour s’imprégner des besoins de la population. Nous saluons la volonté de panser le cœur des Guinéens.

L’une des erreurs de l’ancien régime a été de faire plus de communication politique que de communication publique. La communication politique s’adresse à des partisans et la communication publique aux citoyens.

En communication, on agit ; on ne réagit pas !

Surtout en situation de crise, la communication doit être bien réfléchie et mise en œuvre selon un plan stratégique. Je sais que la commission « Communication » de l’équipe de transition est composée de professionnels du domaine. Je les encourage à plus d’exigence, tant l’enjeu est énorme.

En tant qu’actrice de la communication en Guinée établie depuis quelques années, je souhaite faire une contribution dans le cadre de la stratégie de communication du Comité national de rassemblement et du développement (CNRD).  Si mon point de vue semble pertinent aux yeux des experts, utilisez-le en tant que contribution citoyenne ; sinon, laissez mes propos traverser les méandres des esprits qui me liront.

Comment travailler l’image publique du Président de la Transition ?

Notre cher Colonel ne parle pas beaucoup. Nous aimons cela.

Son image publique doit être adossée aux activités publiques qu’il réalise.

Le choix de celles-ci doit être déterminant en faisant attention tant à la forme qu’au fond.

Pour ce qui est du fond, les messages doivent être cohérents et prendre en compte plusieurs inquiétudes. Notamment, nous avons adoré la considération accordée à nos langues dans vos propositions. Parce que la réalité est telle que lorsqu’on communique en français, seules 30 % de la population guinéenne est touchée.

Je me trompe peut-être. Mais je pense que les discours du Colonel sont rédigés par un Guinéen de la diaspora et de ce fait, les contenus peuvent être dénués d’émotions et revêtent un désir affiché de changement – nous qui vivons en Guinée, sommes quelque peu découragés et avons tendance à nous cacher, je l’avoue.

Cela dit, il est maintenant important de ramener le niveau au peuple de guinéen. Communiquons pour se comprendre.

Parlant de la forme ! Les yeux, mon Colonel… Nous voulons voir vos yeux !

Dans toutes les sphères du monde, y compris dans l’armée, les yeux d’une personne permettent de déceler la véracité de ces propos.

Comment voulez-vous qu’un citoyen vous fasse confiance s’il ne peut pas vous regarder dans les yeux pour faire le lien entre ce que vous dites et qui vous êtes ? Laissez le peuple vous regarder dans les yeux et avoir confiance en vous, Mon Colonel. D’autant plus qu’à chaque fois que vous les avez montrés, nous avons vu un homme serein dont le regard ne fuit pas.

Voici les axes de communication que je propose pour ces deux prochaines années en tenant compte des valeurs du CNRD :

1) La Guinée est un patrimoine commun

Toutes les actions de communication engagées doivent tenir compte du fait que le tissu social guinéen est abimé. Sans l’occulter ni verser dans un excès d’émotions, il faut panser les cœurs avec des « bonnes paroles » comme le dirait l’autre.

Une arme efficace, si elle est bien utilisée, est la culture. Les messages doivent s’articuler autour de ce qui fait de nous des Guinéens !

Réhabilitons notre culture pour se réapproprier notre identité. Et montrons-la au monde entier. Travaillons la marque « Guinée » pour de bon en valorisant ce que nous avons de plus beau.

2) Un citoyen modèle pour une nation prospère

Les épreuves vécues depuis l’indépendance, et peut être même bien avant, ont transformé nos mentalités. Ainsi, il faudra beaucoup de communication et de pédagogie pour apprendre au Guinéen ce qu’est être « citoyen ». C’est l’une des tâches les plus difficiles : apprendre au citoyen guinéen à connaître ses droits et ses devoirs. A cette fin, une communication publique plus sereine devra être pensée et articulée pour anticiper les incompréhensions du peuple, surtout celles de la jeunesse. Car un pays est toujours à l’image de sa jeunesse.

La communication doit servir à :

  • Informer le citoyen dans un premier temps en vulgarisant les guides du citoyen sur l’ensemble des canaux et supports ;
  • Éduquer ensuite le citoyen dans un second à travers des campagnes participatives mensuelles sur l’ensemble des secteurs ;
  • Sensibiliser dans un troisième temps pour obtenir l’adhésion et l’acceptation du citoyen

3) Une administration plus responsable envers la nation

Pendant cette transition, l’objectif de la communication doit également concerner la crédibilisation de l’appareil étatique. Ce travail peut être fastidieux mais il n’est pas impossible. Les efforts se situent à deux niveaux : crédibiliser l’institution et les autorités de celle-ci.

Afin de valoriser une administration responsable, la stratégie de communication doit se concentrer dans un premier temps à communiquer sur les activités et les procédures mise en place ou effectuées. Et dans un second temps publier les performances et résultats. Une institution crédible doit être capable de publier un plan, un budget, les parties prenantes, les résultats obtenus…

L’image d’un département ne peut être remplacée par celle d’un ministre ou un directeur. Cela dit, ils sont tout de même de bons ambassadeurs.

Leur image doit être irréprochable comme celle que nous voulons donner à la Guinée. Il ne s’agit d’être présentable en apparence mais de soigner les analyses, les interventions publiques et d’être ouvert à la collaboration.

Un coaching peut s’avérer nécessaire, surtout pour les membres du gouvernement.

Un autre point crucial sera de dépolitiser la communication de l’appareil administratif en Guinée. En commençant par les cadres qui doivent adopter une communication publique et non politique ou partisane. L’un des challenges de cette transition sera de dépolitiser la vie publique, économique et sociale. Cela passe par des messages articulés autour de problématiques citoyennes s’adressant au « citoyen » et pas au futur « électeur ».

4) Le CNRD, pour une transition réussie

Les membres du CNRD sont désormais des personnalités publiques et il serait intéressant d’établir une stratégie d’influence pour chacun d’entre eux. Ils pourront être une force de dissuasion en matière de mauvaise gouvernance simplement en agissant avec droiture et en montrant l’exemple. Messieurs les membres du CNRD, le meilleur service qu’on puisse rendre aux Guinéens, c’est l’exemplarité. Quand nous vous verrons faire, nous voudrons faire de même. Les messages doivent s’articuler autour de la vision, de la mission, des objectifs, des actions, les parcours… Tant de choses qui feront que l’empreinte du CNRD durera longtemps et s’imprègnera dans les cœurs des Guinéens.

Bien entendu, une stratégie de communication est adossée à des actions. Il faut de la cohérence et de l’alignement, sinon, ça ne marchera pas. Raison pour laquelle, la stratégie est élaborée en fonction de la vision, des objectifs et des actions du commanditaire.

Aussi, le travail de communication ne peut pas non plus se substituer à la justice. Un conseil pour le domaine de la justice, profitez de ces premières heures pour sanctionner sévèrement et faites-le savoir. La donne changera et nous allons rentrer dans les rangs.

Ces propositions tiennent compte du fait qu’aucun membre du CNRD se présentera aux élections. Sinon, bien entendu, il faudra modifier les plans pour s’adapter à la nouvelle orientation. Mais ce qui est sûr, l’application d’une bonne stratégie permettra aux membres du CNRD de revenir avec plus de légitimité par la suite.

Partis politiques, vous avez deux ans pour communiquer !

Vous avez du temps pour vous préparer afin de mettre en œuvre une communication politique plus globale. Oui, la communication est le cœur qui fait battre toute campagne politique surtout dans un pays où nos mamans de Madina comprennent que le sac de riz est passé de 180.000 GNF à 220.000 GNF. Elles n’ont que faire de la révision de la loi des finances 2021. Elles croient ce qu’elles voient !

Votre équipe de communication ne doit pas se contenter d’intervenir qu’à la veille des élections mais tout au long des activités du parti.

C’est une aubaine de disposer de deux années pour communiquer, construire une image de marque et un programme solide pour les élections.

Partis politiques, mettez à profit ces deux ans pour travailler votre présence et vos actions auprès de la population.

Fatou Thithi CAMARA

  • Citoyenne engagée
  • Directrice de l’agence conseil en communication Monarch Conakry
  • Cofondatrice du Salon des Entrepreneurs de Guinée SADEN
  • Organisatrice de la première fête foraine en Guinée MagicPark

A propos de l'auteur :